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2-3: Règles d'écritures des Haïku au Japon

Il n’est pas question ici de chercher à rédiger une règle d’écriture des haïku  qui serait reconnue par les auteurs japonais, mais plutôt de donner quelques lignes directrices simples, quelques exemples de ce qu’un bon haïku doit comporter.

 La première règle vient de la genèse même de cette forme poétique, et des contraintes imposées sur les longs poèmes dont elle est issue. Les haïku doivent comporter trois « mouvements », chacun ayant un nombre de syllabes bien déterminé : cinq pour le premier, sept pour le deuxième et cinq pour le dernier (5-7-5). Si j’emploie le nom de mouvement, c’est parce que le haïku  s’écrit en japonais en une seule colonne comme on peut le voir ci-dessous. C’est la diction qui permet d’en faire ressortir le rythme. Bien entendu il existe des exceptions, mais celles-ci ont un nom, ce ne sont plus des haïku. La pratique accepte la déviation par rapport à la norme si cela contribue à la beauté du poème, mais même si celui-ci est beau, ce n’est plus un haïku. Ces déviations sont néanmoins assez limitées; celles qui conduisent à un nombre de syllabes total plus grand, sous la forme : 5 – 8 – 5 ; 5 – 7 – 6, … sont appelées « ji-amari  »: les haïku qui comportent des « lettres supplémentaires »; celles qui conduisent à un nombre de syllabes inférieur à 17 sont appelés « ji-tarazu  ».

Ill.  43 : Extrait d’un recueil moderne de haïku  : Les mille meilleurs haïku

 

Une deuxième règle importante est de toujours utiliser un mot ou une expression permettant de situer le poème dans une des quatre saisons : printemps, été, automne et hiver. Ces mots, au-delà de la mention elle-même de la saison, peuvent désigner des animaux associés à la saison, des végétaux, fleurs ou arbres, des activités humaines ou des phénomènes naturels ; ils sont appelés kigo .  Il existe de nombreux dictionnaires poétiques présentant ces kigo , soit thématiques : animaux, végétaux, … soit par saison, et présentant, outre la liste, des exemples d’utilisation et d’interprétation. Quelques exemples sont donnés ci-dessous.

 

Ill.  44 : Hiroshige  - Hirondelle, lune et fleurs de pêchers

 

Pour le printemps :

 Branches encore nues, cerisiers en fleurs, pruniers en fleurs, grenouille, brume,  neige qui fond, pluie de printemps, labours, rossignol, l’Alouette, faisan, hirondelle,  la saison des amours des chats, papillon, camélias, fleurs, violettes

 

 

 

Ill.  45 : Hiroshige  - 100 vues d'Edo  - Le pont d'AWATE

Pour l’été :

brume de chaleur, brièveté du jour, canicule, chaleur, pivoines, coucou, orage, l’averse, tonnerre, étoiles filantes, chaume, moustiques, luciole, cigale, crapaud, escargot, iris, coquelicot.

 

 

Ill.  46 : Hiroshige  - Feuilles d’érables au temple de Tekona, Mamma

Pour l’automne :

Vieillesse, la Voie lactée, champignons, fête des morts, épouvantails, libellule, érable, kakis, hortensias, chrysanthèmes.

 

Ill.  47 : Hiroshige  - Neige au temple de Kameido tenman

Pour l’hiver :

Gel, froid, givre, neige, aigrettes, journées courtes.

 

Une troisième règle peut être dégagée de la nécessité d’avoir une césure, à la fois pour la lecture du poème, mais aussi pour le structurer. Dans beaucoup de cas, une première partie situe la scène en un lieu, un moment (en particulier la saison), tandis que la deuxième suggère une émotion, une réflexion. Les deux doivent se répondre, s’enrichir l’une l’autre, sans néanmoins établir de lien fort de cause à effet. Les quelques haïku  des maîtres présentés ci-avant, {2.2.1 } {2.2.2 } {2.2.3 } {2.2.4 }, montrent des exemples clairs de l’application de cette règle. Ils ont été d’ailleurs présentés sur quatre lignes, chaque ligne proposant trois haïku rattachés au printemps, à l’été, à l’automne et à l’hiver.

 

Cette pratique de la césure est plus précisément liée à l’utilisation de mots particuliers (ou exclamations), que l’on nomme « kireji  », et qui donne du rythme et du sens au poème. Quand le kireji est placé à la fin du haïku , il pousse à revenir au début, comme le début d’un cercle. Beaucoup de haïku classiques, en particulier de Bashô , contiennent à leur fin une exclamation marquée par un auxiliaire « -keri », ou une particule « kana  ». Quand il est placé au sein du haïku, il sépare la description de l’émotion comme indiqué ci-dessus. Ces mots n’ayant pas de directs équivalents en français, il est nécessaire de recourir à des « artifices » pour en retranscrire l’usage, rajout de points d’exclamation, ou utilisation d’un tiret.

 

Du point de vue formel, ces règles sont suffisantes, en tout cas pour le propos de cette étude. D’autres règles plus intuitives peuvent être rappelées, elles concernent les sujets traités, et la façon de le faire.

 

D’abord le temps, le haïku  est un cliché d’un moment particulier, il ne raconte pas une histoire passée, il n’évoque pas ce qu’il pourrait advenir, il constate c’est tout, et est donc composé au présent.

 

 De ses origines « vulgaires », il garde le goût de la dérision, de l’humour, voire de la provocation. Chats qui chient, morve, éternuements, épouvantails, scènes burlesques, autant d’images qui sont utilisées par les plus grands maîtres. Sans doute pas pour pousser au rire, mais ils apportent le sourire, la connivence, et le recul.

 

Cliché, description d’un lieu précis, le haïku  ne s’attache pas aux grands concepts, aux grands panoramas, il traite de la nature, d’un petit bout de nature, de ce que l’on découvre au détour d’un sentier dans le jardin d’agrément. Et s’il pousse à la méditation sur le tout, c’est à partir du plus simple, du plus petit, comme dans ce poème de Kobayashi Issa  :

 

Dans chaque perle de rosée

Tremble

Mon pays natal

 

On peut citer ici un commentaire de R.H. Blyth  dans [5.2.2.3 :

 

Exprimé de façon positive, le haïku  doit exprimer une sensation nouvelle ou que l’on découvre, la prise de conscience soudaine du sens d’une expérience commune concernant la nature ou l’homme. Encore plus important, et exprimé négativement, le haïku ne doit absolument pas chercher à expliquer quelque chose, ou contenir une liaison de cause à effet.


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