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2-2-4: Le théoricien: Masaoka Shiki (正岡子規)

 

Ill.  41 : Masaoka Shiki

                                                            

Considéré comme « le père du haïku  moderne », Masaoka Shiki  (1867-1902) — à qui l'on doit l'adoption définitive du terme — fut le grand défenseur de cette forme majeure de la poésie japonaise qu'il s'attacha à transmettre en fondant une école et une revue littéraire.

En dépit de la brièveté de sa vie, son oeuvre figure parmi celles des derniers maîtres de la grande tradition.

Entre 1891 et 1892, Masaoka Shiki  rédige un premier roman, Capitale de la lune (Tsuki no miyako), qu'il soumet à quelques écrivains et amis : l'accueil est des plus réservés. Mais sa décision est prise. Le jeune homme venu de l'île de Shikoku, dont les rêves d'adolescent s'étaient identifiés avec les aspirations collectives de son époque, ne veut plus se consacrer qu'à la littérature. Il interrompt ses études à l'université de Tokyo  et s'établit dans le quartier de Negishi, à la limite de la ville basse et des hauteurs. Il avait manifesté très tôt son intérêt pour les formes poétiques héritées de la tradition : poèmes en chinois classique, waka  et haïku . Avec la fougue qui le caractérise, il décide de rénover l'art du haïku qui était encore pratiqué avec ferveur mais qui s'était figé depuis le début du XIXe siècle, prisonnier d'un réseau de conventions et de mesquineries. À partir de décembre 1892, il collabore de façon permanente au journal Nihon. Il est à la fois créateur, théoricien (Principes essentiels du haïkaï, haïkaï -taigai, 1895) et animateur. À travers le pays se multiplient les cercles qu'il inspire. Des difficultés de santé, puis une maladie longue et inexorable épuisent encore l'énergie dont il fait preuve.

 

 

Ill.  42 : Shiki - Derniers haïku

Les trois haïku  écrits sur son lit de mort par Shiki  13 à 14 heures avant son décès qui eut lieu à treize heures le 19 septembre 1902.

 

Celui du centre, écrit avec les lettres les plus grandes et sur quatre lignes est le premier qu’il écrivit. Ils sont présentés ci-dessous, la traduction est de l’auteur, mais certainement très approximative….

 

 

hechima saite tan no tsumarishi hotoke kana  

 

Sponge gourd has bloomed

Choked by phlegm

A departed soul  

Eponge(56) en fleur

Étouffée par les crachats

Une âme en partance 

           

 Le second fut écrit dans l’espace étroit laissé à la gauche du premier.

 

tan itto hechima no mizu mo mani awazu

 

Gallons of phlegm
even the gourd water
couldn’t clear it up   

 

Un baril de crachats

La sève des luffa elle-même

N’est pas suffisante 

 

Le troisième et dernier poème est écrit à la droite du premier et en diagonale.

 

ototoi no hechima no mizu mo torazariki

 

The gourd water

Of the night before yesterday

They didn’t get it either  

La sève des luffa

N’a pas été non plus collectée

La nuit précédente.

 

C’est une des plus belles et émouvantes calligraphies qui ont été produites au Japon.


 

Masuoka Shiki a voulu formaliser le haïku , établir des règles précises, codifiant la forme, l’utilisation des kigo , des thèmes, … Déjà, comme nous l’avons vu précédemment pour les différentes anthologies constituées entre le huitième et le onzième siècle, la poésie japonaise était passée d’une certaine spontanéité et liberté, à un véritable exercice littéraire devant respecter les modèles des anciens. Bashô  a revitalisé le genre, et a redonné une âme à la poésie, même s’il est resté fidèle à certaines règles. Shiki, par son travail théorique a failli figer de nouveau cet art dans un exercice vain, mais le vingtième siècle et ses bouleversements tragiques a permis à toute une génération de poètes japonais de s’émanciper des carcans. R.H. Blyth { 4.8.1 } commentait de la sorte le travail de Shiki [ 5.2.1.14 ] :

 

«  De ce point de vue on peut regarder l’histoire de la poésie japonaise comme se déroulant suivant deux grands mouvements. La spontanéité et la fraîcheur du Manyoshu disparaît dans le Kokinshu. Le génie de Bashô  permet d’enrichir la poésie d’un certain retour à la simplicité, et encore une fois, deux siècles après, Shiki referme la porte. »(57)

 

Quelques exemples de haïku  par Masuoka Shiki  [ 5.2.1.2 ]

 

Un sachet de simples

Sur mon lit de malade

Le printemps renaît

 

Sur le sable du rivage

A chaque trace de pas

Le printemps s’allonge

Barque et rivage

Se répondent

Dans la longueur du jour

Une houe dressée

Dans le champ vide

Quelle chaleur !

 

Au Bouddha

Je montre mes fesses

La lune est fraîche !

L’averse d’été

Tambourine

Sur la tête des carpes

J’ai tué une araignée

Solitude

De la nuit froide

 

Minuit passé

La voie lactée s’incline

Sur un bambou

Ils ressemblent aux hommes

Les épouvantails du clair de lune

Si pitoyables !

Onze cavaliers

Filent dans le blizzard

Sans tourner la tête

Il chie

Le chat errant

Dans le jardin tout blanc

Un cadavre de chien

Dérive

Dans le courant glacé

   

Un mangeur de kakis
qui aimait les haïku

souvenez-vous ainsi de moi

 

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