1-5: Le monde des ukiyo-eIll. 10 : Hiroshige – Le Tokaïdo – 15° relais – Kambara (Neige et nuit)
Une des définitions les plus intéressantes que nous avons de ce type d’art a été proposée par l’écrivain Ihara Saikaku(10) (井原西鶴, 1642-1693) : « Vivre seulement l’instant présent, savoir se donner tout entier à la contemplation de la lune, de la neige, des cerisiers en fleurs et des érables rougeoyants ; chanter, boire du vin, se divertir juste en flottant, flottant ; se moquer éperdument de la pauvreté à nos côtés, refuser de se laisser abattre, comme la calebasse flottant dans le courant de la rivière : voilà ce que nous appelons le Monde flottant. » Le sens de l’éphémère, la conscience de la nature fugitive des choses, et l’angoisse que cela engendre, c’est certainement cela que l’on peut retrouver dans l’art des jardins japonais et dans la structure des haïku .
On distingue plusieurs catégories d’estampes, habituellement six. Un premier groupe est constitué par celles qui font référence au théâtre tabuki , soit en représentant des acteurs, soit des scènes célèbres ; le deuxième groupe rassemble celles qui portent sur la tradition, le troisième sur les paysages fameux, et en particulier ceux dans lesquels on voit le mont Fuji, le quatrième, les représentations de la nature, le cinquième les plaisirs de la vie citadine, et enfin le sixième les belles femmes. Bien entendu, on ne peut pas ne pas citer les fameuses estampes érotiques dont on parlera plus avant dans le paragraphe {2.6 }. Ill. 11 : Hokusaï , Iris et sauterelle
Regarder une estampe du monde flottant, c’est prendre du plaisir, purement artistique, mais aussi intellectuel, et c’est aussi avoir la possibilité de méditer sur ce que l’artiste représente, de rentrer en soi pour mieux comprendre le monde, dans un cheminement analogue à celui que propose le jardin.
On verra plus loin que les composantes de base du haïku , simplicité, évocation de la nature, dérision, et méditation, se retrouvent de la même façon dans les compositions des artistes de l’ukiyo-e . L’estampe est peut être la représentation graphique du choc provoqué par le haïku. Ill. 12 : Hokusaï – Ejiriri (province de Suruga) – Un coup de vent soudain En
ce monde flottant Devenez
bonze en chef Et
vous ferez la sieste ! Natsume Soseki
Si on peut dire que beaucoup d’estampes de ces catégories
peuvent être lues de la même façon qu’un haïku
, certaines ont été volontairement composées pour illustrer un texte qui peut
dans ce cas être reproduit sur l’estampe, ou pour traduire de manière
picturale un haïku célèbre. On peut
ici noter une remarque de Jack Kerouac(11)
, écrivain célèbre américain qui a produit des haïku
de qualité : « Écrit un haïku,
ensuite peint la scène qu’il décrit ». Il comparait aussi les haïku
aux tableaux de maître, les meilleurs « lui
donnant la sensation de regarder une œuvre de Van Gogh, il est là, et rien ne
peut être fait ou dit à son propos, excepté d’observer, ébahi, sa
puissance ». Quelques exemples d’estampes avec inscription d’haïku :
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