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1-5:    Le monde des ukiyo-e

 

Ill.  10 : Hiroshige  – Le Tokaïdo – 15° relais – Kambara (Neige et nuit)

 « Les images du monde flottant », n’est-ce pas déjà, dans l’appellation elle-même, caractériser les estampes que le monde de l’ukiyo-e  a produites de manière poétique? Cette nouvelle forme picturale s’est développée à un moment d’intense renouveau culturel, lors de la période Genroku , datée de 1688 à 1704. C’est cette même période qui vit l’épanouissement des haïku . Nombre d’estampes sont enrichies de poèmes(9), ou représentent des scènes faisant référence à des poèmes célèbres. Plusieurs grands artistes du monde flottant furent en même temps des poètes.

 

Une des définitions les plus intéressantes que nous avons de ce type d’art a été proposée par l’écrivain Ihara Saikaku(10)  (井原西鶴, 1642-1693) : « Vivre seulement l’instant présent, savoir se donner tout entier à la contemplation de la lune, de la neige, des cerisiers en fleurs et des érables rougeoyants ; chanter, boire du vin, se divertir juste en flottant, flottant ; se moquer éperdument de la pauvreté à nos côtés, refuser de se laisser abattre, comme la calebasse flottant dans le courant de la rivière : voilà ce que nous appelons le Monde flottant. » Le sens de l’éphémère, la conscience de la nature fugitive des choses, et l’angoisse que cela engendre, c’est certainement cela que l’on peut retrouver dans l’art des jardins japonais et dans la structure des haïku .

 

On distingue plusieurs catégories d’estampes, habituellement six. Un premier groupe est constitué par celles qui font référence au théâtre tabuki , soit en représentant des acteurs, soit des scènes célèbres ; le deuxième groupe rassemble celles qui portent sur la tradition, le troisième sur les paysages fameux, et en particulier ceux dans lesquels on voit le mont Fuji, le quatrième, les représentations de la nature, le cinquième les plaisirs de la vie citadine, et enfin le sixième les belles femmes. Bien entendu, on ne peut pas ne pas citer les fameuses estampes érotiques dont on parlera plus avant dans le paragraphe {2.6 }.

 

 

Ill.  11 : Hokusaï , Iris et sauterelle

Admirer une estampe, c’est d’abord être frappé par l’harmonie d’ensemble, par la simplicité apparente de la construction picturale, par l’utilisation de couleurs « simples » appliquées sur de larges surfaces. Puis c’est remarquer les détails, identifier les personnages, reconnaître telle ou telle région, ou telle ou telle situation théâtrale, ou littéraire, chercher l’élément qui donne un sens nouveau à l’œuvre, non immédiat. Puis c’est sourire devant tel ou tel trait d’humour, animal ou paysan, oiseau ou insecte, dans des poses recherchées, caricaturales. Emerveillement, observation, amour, les trois ingrédients de ce qui fait la beauté des haïku .

 

Regarder une estampe du monde flottant, c’est prendre du plaisir, purement artistique, mais aussi intellectuel, et c’est aussi avoir la possibilité de méditer sur ce que l’artiste représente, de rentrer en soi pour mieux comprendre le monde, dans un cheminement analogue à celui que propose le jardin.

 

On verra plus loin que les composantes de base du haïku , simplicité, évocation de la nature, dérision, et méditation, se retrouvent de la même façon dans les compositions des artistes de l’ukiyo-e . L’estampe est peut être la représentation graphique du choc provoqué par le haïku.

 

Ill.  12 : Hokusaï  – Ejiriri (province de Suruga) – Un coup de vent soudain

   

En ce monde flottant

Devenez bonze en chef

Et vous ferez la sieste !

Natsume Soseki

 

Si on peut dire que beaucoup d’estampes de ces catégories peuvent être lues de la même façon qu’un haïku , certaines ont été volontairement composées pour illustrer un texte qui peut dans ce cas être reproduit sur l’estampe, ou pour traduire de manière picturale un haïku célèbre. On peut ici noter une remarque de Jack Kerouac(11) , écrivain célèbre américain qui a produit des haïku de qualité : « Écrit un haïku, ensuite peint la scène qu’il décrit ». Il comparait aussi les haïku aux tableaux de maître, les meilleurs « lui donnant la sensation de regarder une œuvre de Van Gogh, il est là, et rien ne peut être fait ou dit à son propos, excepté d’observer, ébahi, sa puissance ».

Quelques exemples d’estampes avec inscription d’haïku  :

 

 

Ill.  13 : harunobu - Wakakusa devant le jeu de go (les beautés des bordels de Yoshiwara)

 

 

 

Traduction du haïku  sur l’estampe(12):

 

Again they break,
the fancy sandals she wears --
cherry-blossom salt

 

De nouveau elles se cassent

Les sandales fantaisie qu’elle porte –

Le sel des fleurs de cerisiers

 

 

 

 

 

Ill.  14 : Kunisada - La geisha Wakadae - 1861

 

 

 

Traduction de l’histoire relatée dans le panneau et du haïku  :

 

L’histoire racontée dans le panneau de droite dit combien Wakadae était un exemple rare dans le quartier des plaisirs. Elle était si dévouée à ses parents que quand sa mère tomba malade, elle pria les dieux et Bouddha pour qu’ils prennent sa propre vie et sauvent sa mère. Celle-ci guérit, et ici Wakadae est montrée recevant la bonne nouvelle alors qu’elle rentre du temple où elle était allée prier. Le poème exprime sa joie:

 

At dusty cobwebs
I'll stare no more.
Tonight -- the moon!

 

Les toiles d’araignées poussiéreuses

Je ne les regarderai plus.

Ce soir – La lune !

 

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