Ill.  15 : Carte du Japon

 

Le dix-septième siècle, à mains égards, est une époque clé de l’histoire japonaise, un tournant qui conduit au déclin de la féodalité et à l’essor d’une classe bourgeoise. L’empire, sous les Tokugawa ⁽¹⁴⁾ connaît une  période de paix totale après quatre siècles de guerres féodales, et en même temps une époque d’unification du pays. Cette unification, libérant des entraves qui avaient été mises en place sous les Ashikaga⁽¹⁵⁾, allait sonner le glas de l’économie féodale et permettre l’essor d’un vrai marché intérieur, et donc d’une classe de marchands. En particulier l’imposition de la double résidence – le sankin-kotai – a conduit les daimyo⁽¹⁶⁾ à entretenir un double train de vie et à supporter les frais de déplacements entre leurs domaines et la capitale. Sous ce régime, les seigneurs devaient en effet passer alternativement une année dans la capitale – et y laisser femme⁽¹⁷⁾ et enfants comme otages – et une année dans leurs terres.

 

Ill.  16 : Affiche du film "Les sept samouraïs "

Même si les militaires restent nominalement la première classe de la société, une classe de citadins se développe, artisans, commerçants et autres, qui parviennent à contrôler le pouvoir économique. On voit ainsi de fiers descendants des seigneurs de guerre de jadis solliciter un prêt auprès des marchands nouveaux riches afin de couvrir les dettes dont ils sont accablés pour tenir leur rang. On voit aussi dans les campagnes des samouraïs  sans maîtres qui perdent petit à petit le respect de la population. On peut citer la réplique finale du film de Kurosawa(18), « Les sept samouraïs », qui conclut, après que presque tous ces guerriers aient payé de leur vie la défense du village, et cela bénévolement, que « toujours les paysans gagneraient ». Et le film se termine sur le vieux guerrier sans illusion qui s’en va alors que les jeunes femmes du village chantent en plantant le riz.

 

L’influence de la classe marchande sur la vie sociale se manifeste de façon très sensible dans le domaine culturel. Les arts et la littérature de la bourgeoisie citadine d’alors reflètent davantage les préoccupations de cette classe que celles de l’aristocratie féodale. Les villes deviennent des foyers de la civilisation et du divertissement. Dans les quartiers de plaisir on trouve des marchands harassés et des samouraïs  décadents qui se libèrent du carcan des conventions sociales et qui viennent jouir librement de la gent féminine. C’est l’époque pendant laquelle s’ébauche la figure des geisha , compagnes raffinées qui savent prodiguer avec un égal talent, le chant, la danse et la conversation d’agrément.

 

Les progrès de l’imprimerie, et surtout l’alphabétisation du peuple vont conduire à un développement formidable de la littérature et du théâtre. Aux alentours de l’an 1700, grâce aux innombrables écoles ouvertes aux enfants et tenues par des guerriers au chômage ou des moines, la pratique de l’écriture, et donc de la lecture, se développe de manière phénoménale. On estime qu’à la fin de la période Tokugawa , environ 45 % des hommes savaient lire et écrire contre 15% seulement des femmes.

 

De tous les genres, c’est celui de la poésie qui a été le plus prisé, et en particulier le haïku  et le senryu, qui allaient être pratiqués par des milliers de versificateurs à la suite des grands maîtres, mais cela c’est le chapitre suivant.

 

Ill.  17 : Emblème des Tokugawa

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