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4-7: Paul Claudel: Cent phrases pour éventails

Ill.  67 : Paul Claudel

 

Paul Claudel (164) est né à Villeneuve-sur-Fère, en 1868, sur les confins de la Champagne et des Ardennes. Il arrive à Paris avec sa mère et sa sœur (Camille Claudel) en 1882.

 

De famille catholique, il perd la foi jeune et la retrouve à l'âge de dix-huit ans, le jour de Noël, le 25 décembre 1886, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, lors d'une illumination subite.

 

Sa vie de diplomate, de 1893 à 1936, le conduit à séjourner presque constamment à l'étranger : consul de France à Prague, Francfort, Hambourg, ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro, à Copenhague, ambassadeur de France à Tōkyō de 1921 à 1927, à Washington, enfin à Bruxelles, de 1933 à 1935, où se terminera sa brillante carrière.

 

 

En 1940, il voit d'abord une délivrance dans les pleins pouvoirs conférés par les députés à Pétain. Toutefois, le spectacle de la collaboration avec l'Allemagne l'écœure bientôt. Dans le Figaro du 10 mai 1941, il publie encore des Paroles au Maréchal (désignées couramment comme l' Ode à Pétain) qui lui sont souvent reprochées. À partir d'août 1941, son Journal ne parle plus de Pétain qu'avec mépris.

 La vie littéraire de Claudel , qu'il avait conduite parallèlement à sa carrière diplomatique, s'épanouira glorieusement au terme de son rôle de diplomate. Ses conceptions, en étroit rapport avec ses idées religieuses, l'incitent à préciser le rôle du poète dont le langage doit traduire l'unité fondamentale du monde des choses et de l'esprit, correspondant à une véritable co-naissance abolissant la contradiction objet-sujet. C'est dire l'indéniable dimension philosophique de son œuvre, qui reste à redécouvrir sous cet aspect. Cette constante méditation sur la parole, qui commence avec son théâtre et se poursuit dans une prose poétique très personnelle, s'épanouit au terme de sa vie dans une exégèse biblique originale.

 Mort en 1955, il est enterré dans le parc du château de Brangues ; sa tombe porte cette curieuse épitaphe : « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel . »

C’est entre 1926 et 1927 que Paul Claudel  écrivit « Cent phrases pour éventails » qui ne furent publiées en France (165) qu’en 1941. Dans la préface de cette  première édition ; il notait :

 

Cent phrases pour éventails. C’est le recueil de ces poèmes aujourd’hui pour la première fois après 16 ans prêts à s’envoler sous notre ciel de France, que jadis au Japon, à la recherche de leur ombre, j’ai essayé effrontément de mêler à l’essaim rituel des Haïkaï.

 

S’il fait référence aux haïku , en se trompant néanmoins de nom pour les désigner, ces cent phrases ne sont que rarement conformes à l’esprit de ceux-ci. Elles sont empreintes de cartésianisme, cherchant à démontrer, où plutôt à utiliser l’image pour évoquer des concepts. Ce n’est plus l’image de la nature, l’observation pure qui est l’objet du poème, et qui peut éventuellement conduire le lecteur sur des digressions qui lui sont propres, mais une idée, un concept que l’on veut, par la métaphore, illustrer ou rendre plus accessible. On notera en particulier à plusieurs reprises l’utilisation de « comme » pour relier les deux mondes, du concept et de l’observation – qui devient alors d’ailleurs seulement description.

 

Comme un tisserand par le moyen de ma baguette magique j’unis un rais de soleil avec un fil de pluie.

 

Seule la rose est assez fragile pour exprimer l’éternité.

 

Le camélia rouge comme une idée éclatante et froide

 

Cette fleur jaune et blanche comme un mélange de feu et de lumière

 

J’ai franchi sur un pont de corail quelque chose qui ne permet pas le retour.

 

Dans les trois phrases qui suivent, on nous explique pas à pas la signification de la première :

 

La nuit approche ta joue de ce Bouddha de pierre et ressens combien la journée a été brûlante

 

La journée a été brûlante et maintenant approche, sens un dieu chaud

 

Approche ton oreille et sens combien au fond de la poitrine d’un dieu l’amour est long à s’éteindre.

 

Dans certains cas c’est l’image qui est « personnifiée » et qui « explique » le sens du poème :

 

Pas mes épines qui me défendent dit la rose c’est mon parfum

 

Plus d’inspiration le poète pêche sans hameçon dans une coupe de saké

 

Certains sont de pures métaphores, illustration de concepts :

 

Ride l’eau que touche l’idée

 

Néanmoins il en est qui me semblent de purs bijoux :

 

Dans la forêt sur une tombe abandonnée une lanterne blanche

 

Bruit de l’eau sur de l’eau ombre d’une feuille sur une autre feuille

 

Fin d’août. Dans le brouillard parmi des milliers de libellules trois papillons blancs

 

Par toutes les routes autour de Tokyo  les iris se sont mis en marche pour aller voir l’Empereur

 

Départ. La goutte d’eau à l’extrémité de cette aiguille de pin prête à se réunir à la mer tremble hésite

 

Mais une de ces phrases est peut être un résumé de la tentative, qui a donné de très beaux « courts poèmes » même si je ne les considère pas comme relevant du genre « haïku  », en insistant sur cette caractéristique de la pensée occidentale : il faut comprendre. Et c’est là peut-être la plus grande différence entre les deux approches, comprendre ou sentir, analyser ou simplement voir, déduire ou aimer.

 

Comprends cette parole à l’oreille de ton âme qui ne résonne que parce qu’elle a cessé

 

Paul Claudel  a choisi de publier ces poèmes dans un format le plus proche possible de celui des versions originales japonaises, même s’il a dû se plier aux contraintes du livre tel qu’il est composé en occident. La version française comporte donc aussi des idéogrammes, et le texte n’est pas dactylographié mais c’est l’écriture de l’auteur qui est reproduite, comme on peut le voir dans l’extrait ci-dessous. Pour casser le mécanisme de lecture « alphabétique », il a cassé ou réuni les mots, pour qu’ils prennent une réalité différente, propre, pour aller au-delà de la lecture en forçant l’esprit à reconnaître le signe.

   

 Ill.  68 : Une page de "Cent phrases pour éventails"

 

 

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