![]() 4-7: Paul Claudel: Cent phrases pour éventails
En 1940, il voit d'abord une délivrance dans les pleins pouvoirs conférés par les députés à Pétain. Toutefois, le spectacle de la collaboration avec l'Allemagne l'écœure bientôt. Dans le Figaro du 10 mai 1941, il publie encore des Paroles au Maréchal (désignées couramment comme l' Ode à Pétain) qui lui sont souvent reprochées. À partir d'août 1941, son Journal ne parle plus de Pétain qu'avec mépris. C’est entre 1926 et 1927 que Paul Claudel écrivit « Cent phrases pour éventails » qui ne furent publiées en France (165) qu’en 1941. Dans la préface de cette première édition ; il notait : Cent phrases pour éventails. C’est le recueil de ces poèmes
aujourd’hui pour la première fois après 16 ans prêts à s’envoler sous
notre ciel de France, que jadis au Japon, à la recherche de leur ombre, j’ai
essayé effrontément de mêler à l’essaim rituel des Haïkaï. S’il fait référence aux haïku , en se trompant néanmoins de nom pour les désigner, ces cent phrases ne sont que rarement conformes à l’esprit de ceux-ci. Elles sont empreintes de cartésianisme, cherchant à démontrer, où plutôt à utiliser l’image pour évoquer des concepts. Ce n’est plus l’image de la nature, l’observation pure qui est l’objet du poème, et qui peut éventuellement conduire le lecteur sur des digressions qui lui sont propres, mais une idée, un concept que l’on veut, par la métaphore, illustrer ou rendre plus accessible. On notera en particulier à plusieurs reprises l’utilisation de « comme » pour relier les deux mondes, du concept et de l’observation – qui devient alors d’ailleurs seulement description. Comme
un tisserand par le moyen de ma baguette magique j’unis un rais de soleil avec
un fil de pluie. Seule
la rose est assez fragile pour exprimer l’éternité. Le
camélia rouge comme une idée éclatante et froide Cette
fleur jaune et blanche comme un mélange de feu et de lumière J’ai
franchi sur un pont de corail quelque chose qui ne permet pas le retour. Dans les trois phrases qui suivent, on nous explique pas à pas la signification de la première : La
nuit approche ta joue de ce Bouddha de pierre et ressens combien la journée a
été brûlante La
journée a été brûlante et maintenant approche, sens un dieu chaud Approche
ton oreille et sens combien au fond de la poitrine d’un dieu l’amour est
long à s’éteindre. Dans certains cas c’est l’image qui est « personnifiée » et qui « explique » le sens du poème : Pas
mes épines qui me défendent dit la rose c’est mon parfum Plus
d’inspiration le poète pêche sans hameçon dans une coupe de saké Certains sont de pures métaphores, illustration de concepts : Ride
l’eau que touche l’idée Néanmoins il en est qui me semblent de purs bijoux : Dans
la forêt sur une tombe abandonnée une lanterne blanche Bruit
de l’eau sur de l’eau ombre d’une feuille sur une autre feuille Fin
d’août. Dans le brouillard parmi des milliers de libellules trois papillons
blancs Par
toutes les routes autour de Tokyo
les
iris se sont mis en marche pour aller voir l’Empereur Départ.
La goutte d’eau à l’extrémité de cette aiguille de pin prête à se réunir
à la mer tremble hésite Mais une de ces phrases est peut être un résumé de la tentative, qui a donné de très beaux « courts poèmes » même si je ne les considère pas comme relevant du genre « haïku », en insistant sur cette caractéristique de la pensée occidentale : il faut comprendre. Et c’est là peut-être la plus grande différence entre les deux approches, comprendre ou sentir, analyser ou simplement voir, déduire ou aimer. Comprends
cette parole à l’oreille de ton âme qui ne résonne que parce qu’elle a
cessé Paul Claudel a choisi de publier ces poèmes dans un format le plus proche possible de celui des versions originales japonaises, même s’il a dû se plier aux contraintes du livre tel qu’il est composé en occident. La version française comporte donc aussi des idéogrammes, et le texte n’est pas dactylographié mais c’est l’écriture de l’auteur qui est reproduite, comme on peut le voir dans l’extrait ci-dessous. Pour casser le mécanisme de lecture « alphabétique », il a cassé ou réuni les mots, pour qu’ils prennent une réalité différente, propre, pour aller au-delà de la lecture en forçant l’esprit à reconnaître le signe.
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