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4. En dehors du Japon, l'intérêt des haïku, leurs adaptations

 

4-1: De la difficulté des traductions

Nous avons vu au chapitre {1.1 } que les caractéristiques de la langue japonaise, ainsi que de son système complexe d’écriture, conduisaient, et de manière tout à fait différente de nos habitudes occidentales, le lecteur à devoir faire œuvre d’interprétation pour comprendre l’écrit. Cette difficulté, si elle a sans doute conduit à des retards dans le développement technique et scientifique du Japon, a dû aussi rendre plus difficile le travail sur les concepts. Le travail avec les Japonais montre assez rapidement qu’il faut abandonner le principe de partir du concept pour arriver à l’application pratique, propre à notre esprit français – mais il faut le noter, beaucoup moins dans la culture anglo-saxonne – pour traiter directement du concret. Par contre en ce qui concerne la poésie, cela est bien sûr différent, car cette nécessité, ou plutôt cette impossibilité d’écrire avec précision ce que l’on voit, ce que l’on pense, donne à l’esprit une plus grande liberté.

 

Ecrire des haïku  en langue française nécessite donc d’affronter plusieurs difficultés si on veut rester fidèle au genre lui-même, tel qu’il est perçu, vécu au Japon. Ces difficultés peuvent être illustrées par quelques exemples de traduction de haïku célèbres. On en donne ci-dessous quatre exemples.

Un haïku  de Yokoi Yayû , dont la traduction dans la référence [5.2.1.2 ] est :  

J’éternue –

Et je ne vois plus

L’alouette !

 

C'est en éternuant
Que j'ai perdu de vue
Mon alouette.

Eternuant
Je perds de vue
L'alouette.

J'éternue
Et perds de vue
L'alouette.

J'éternue
Perdue de vue
L'alouette.

 

Dans les exemples qui suivent, le premier vient de la référence [5.2.1.2 ] et le deuxième de la référence [5.2.1.3 ]. Dans cette dernière, les haïku  sont traduits de l’anglais au français, alors que dans la première, c’est du japonais au français. Les quelques exemples ci-dessous en donneront un aperçu, mais les traductions de la première référence sont nettement supérieures en qualité.

 

Un Poème de Shiki

Barque et rivage

Se répondent

Dans la longueur du jour

 

Longueur du jour –

Le bateau devise

Avec la grève

 

 

Un Poème de Buson

Braises

Sur le crottin –

Les fleurs du prunier rouge

 

Sur le crottin de cheval

Les fleurs tombées du prunier rouge

On les dirait embrasées

 

 

Un Poème de Shiki

Une houe dressée

Dans le champ vide –

Quelle chaleur !

 

Une houe laissée là

Personne en vue –

La chaleur !

 

 

Bien entendu, quand on ne sait pas lire le japonais, c’est le talent du traducteur que l’on peut juger, au-delà du talent de l’auteur lui-même, mais on pourrait multiplier les exemples du même type. Chacun préférera sans doute telle traduction ou telle autre, mais même si le sens général est identique – à peu près – la recherche de la perfection du choix des mots, de leur agencement, disparaît complètement. Ces poèmes nous touchent néanmoins parce qu’ils atteignent l’universel, ou plutôt parce que l’image qu’ils décrivent est universellement reconnaissable, et suscite des émotions comparables, au-delà des cultures. Il ne faut sans doute pas exagérer cet œcuménisme, il est clair que l’on ne peut comprendre, sauf si on en a étudié les signes, les références aux épisodes historiques ou à la religion.

Un autre point à noter bien sûr, c’est l’absence du respect de la métrique 5-7-5, qui est impossible du fait de l’éloignement des langues. Est-ce que cela nuit à la beauté du haïku , ou est-ce que cela en change le genre ? Et bien non ! On a la même admiration devant ces petits bijoux que s’ils respectaient un format strict. La question pourrait se poser, au-delà de l’intérêt du poème, du nom qu’on lui donne. Est-ce qu’il ne faudrait pas réserver la désignation de haïku qu’aux poèmes qui respectent strictement la métrique, le kigo , la césure, etc ? Un peu comme les Japonais le font eux-mêmes en ayant inventé des mots particuliers pour ceux qui contiennent des syllabes en plus ou en moins ? Ou alors faut-il faire référence à l’intention initiale, à ce qui fait la force de l’image, de la méditation que le poème peut entraîner. Je penche naturellement pour la deuxième possibilité, même si définir, au-delà des règles ce qu’est l’essence d’un haïku est sans doute difficile.

Une autre difficulté à noter, et cela semble important pour le lecteur japonais, c’est la difficulté à rendre le son, la musique du poème lu à haute voix. Mais là, c’est chose pratiquement impossible hors l’écriture de haïku  directement en langue française, et en s’attachant à en rendre plaisante la lecture.

Enfin, et j’en finirai là, plusieurs « témoins » japonais présentent l’utilisation d’idéogrammes comme un moyen de percevoir encore plus vite la signification et la beauté de la composition, c’est certainement, autrement que par le dessin, quelque chose qui nous est impossible, pauvres utilisateurs d’alphabets.

 

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