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Histoire des santons Canten Nouvè, Canten Nouvè! Chantons Noël, Chantons Noël!
Le chant résonne chaque année pendant la période de Noël, signe d'allégresse, chant d'espérance et trait de lumière à la fois. La Provence reste le lieu d'élection pour cette fête au cours de laquelle santons d'argile dans les crèches, santons vivants dans les Pastorales, réunissent le petit peuple de gens de la campagne et des villages, bergers, artisans, paysans, marchands et même des personnages quelque peu burlesques autour de la Sainte Famille dont les seuls compagnons on été le bœuf et l'âne avant leur arrivée. Écrire l'histoire de la crèche et des santons pourrait paraître prétentieux, puisque déjà bien des personnes autorisées par leur savoir l'ont fait, et avec quel talent... Écoutons ces connaisseurs de l'âme provençale: "On ne mesure pas assez quelle source de joie a été et est encore pour le cœur des homme, la fête des fêtes, l'unique nuit de Noël. De très nombreuses générations y boivent à satiété. L'art lui-même rend témoignage à son action bienfaisante sur les foules. Notre langue, cette miniature de l'histoire nationale, garde de son influence une empreinte ineffaçable" (Jean Pagnol) "Les santons sont des fleurs que l'on cueille en hiver" (Elzéar Rougier) "Faire la crèche en Provence est un acte de foi double: foi en l'Enfant Dieu mais aussi foi dans le pays où l'on est né" (J. Louis Vaudoyer) "Depuis un demi-siècle, on a maintes fois chanté et poétisé la crèche provençale et ses types populaires devenus le cadre pittoresque de la scène évangélique: une trouvaille naïve sortie du tréfonds de l'âme d'un peuple croyant! Quel anachronisme, mais aussi quel trait de génie que d'avoir mêlé à la Nativité du Sauveur les faits quotidiens de la vie courante" (J. Billioud) Nous nous devons de donner la parole au célèbre noëliste Nicols Saboly qui, dans une langue savoureuse, a fait vivre dès le XVII° siècle tous nos petits santons: Jaque, Glaude, Micoulau et tant d'autres....
La
Provence ne revendique pas le privilège de la création de la première crèche.
Tant s'en faut... En
effet, la représentation de la scène de la Nativité remonte aux premiers siècles
de notre ère. Chaque peuple,
chaque région, l'a ressentie et représentée selon ses mœurs, sa culture. Comme
pour tous les épisodes de la vie du Christ, les artistes : peintres,
sculpteurs, mosaïstes, se sont emparés du tableau de la naissance de Jésus.
Il suffit de voir les admirables mosaïques byzantines de Sainte Sophie,
de Venise, de Ravenne ou encore les tympans et les porches de nos cathédrales
romanes ou gothiques, les jubés sculptés de nos églises du XIV' et du XV' siècle,
les bas-reliefs de la Renaissance, les innombrables tableaux signés des plus
grands noms de la peinture alliant les primitifs italiens, les miniaturistes
français, les réalistes peintres flamands, les sensuels baroques pour
comprendre la richesse de l'attachement humain à cette scène qui ouvre la
porte à une ère nouvelle. "La
crèche primitive devint rapidement un objet de culte.
En 245, on la montrait encore à Bethléem dans la grotte elle même"
(J. PAGNOL). Bientôt
de nombreuses églises posséderont des crèches permanentes. C'est
seulement au début du Moyen Age qu'avec les "mystères" naîtra la crèche
vivante, ancêtre de nos Pastorales provençales. En
1223, François d'Assise (Francesco = le Français), dont la mère était
Tarasconnaise, réalise la première crèche vivante... Dans une grotte de
montagne, il réunit les paysans du lieu qui ont amené avec eux un petit âne
et un bœuf roux, agenouillés dans de la vraie paille, et qui entourent trois
statues de bois représentant la Vierge, Joseph et L'Enfant. La
Provence à son tour donnera à la Crèche un cadre, un caractère différents
et l'animera de personnages pleins de malice et d'originalité. "Délicieux
et naïfs personnages, citoyens d'un peuple heureux, d'une verve exquise, d'une
tranquille truculence dont l'assemblage forme un doux chatoiement de
couleurs", tels sont nos Santons de Provence. "Il
ne faut pas confondre "Santon" avec "Santibelli".
Ceuxci étaient de petits personnages italiens en plâtre peinturluré,
représentant l'Etat Major : le Père Eternel, la Vierge, les saints, le Pape,
les cardinaux, les évêques" (A. BOUYALA
D'ARNAUD). En
1784, le Docteur ACHARD s'insurgeait contre l'habitude d'habiller les santons de
façon élégante, alors, disait-il, que le Concile de Narbonne l'avait défendu...
"Cela amuse le peuple", ajoutait-il. En
1826, Mgr Villeneuve écrira : "Dans toute la Provence on a depuis
longtemps contracté l'habitude de faire des crèches de toutes grandeur, dans
les églises et les maisons". A cette même époque naîtra la Pastorale, véritable crèche parlante où le public retrouve chaque année ses personnages drôles qui voisinent avec l'enfant Jésus. Santon
du mot provençal "Santoun" (petit sain) est le nom donné à ces
petits personnages d'argile vivement colorés qui servent à la décoration des
crèches de Noël (Larousse). Statuette
d'argile crue confectionnée à l'aide d'un moule en deux parties, le santon est
mis à sécher à l'air libre puis cuit au four, orné de ses attributs
traditionnels qui caractérisent chaque personnage, puis colorié. Ils
sont de tailles très diverses, allant de quelques millimètres (santons
"puces"), à 7, 8, 9, 12 centimètres et au-delà Cependant,
quantité d'autres matières ont été utilisées dans la fabrication du santon
: matières quelquefois fort inattendues : mie de pain, papier mâché,
porcelaine, faïence, verre filé, bois sculpté, cire, plâtre, etc... Le
XIX' siècle verra naître le "Santon habillé" chatoyant dans ses
costumes provençaux reconstituant la vie de tout un peuple et faisant revivre
à la fois et l'histoire du costume de notre pays et celle de tous les métiers
de nos campagnes. C'est
grâce à ces oeuvres importantes par la taille, caractéristiques par les
traditions qu'elles représentent, que le santonnier devient "un artisan
d'art", véritable imagier de la Provence, quelque peu sorcier par la
puissance de l'évocation. Si
l'histoire conserve le souvenir de grands santonniers : Agnel, Batellier, Simon,
Boyer etc., notre époque sera, elle aussi, fertile en artistes déjà d'un
grand renom. On
peut les séparer en diverses catégories -
les composants du tableau évangélique L'Enfant Jésus, la Vierge Marie,
Joseph, les Anges, les Bergers et leurs animaux : l'âne, le bœuf, les moutons,
humbles compagnons apportant leur chaleur autour du nouveau-né, -
le peuple provençal, microcosme lié à l'événement par le sentiment ou
l'amusement, l'aveugle et son fils, les bohémiens, le chasseur, la poissonnière,
le meunier, les vieux et même des personnages comiques tels que: le ravi, étonné
permanent, Pistachié, l'ivrogne paresseux, Jigé le bègue ou encore les
silhouettes d'attitude quotidienne : la femme au fagot, la fileuse, le
tambourinaire, le rémouleur... C'est
tout le village qui s'est donné rendez-vous à la crèche, c'est tout un peuple
en marche vers l'étoile de Noël qui s'est figée là, arrivée devant
l'Enfantelet. Chacun prend alors
une attitude caractéristique pour l'éternité... -
enfin les Rois Mages et leur cortège qui, eux, ont conservé les costumes
orientaux et le parfum du désert, accompagnés de chameaux montés de petits nègres...
On pourrait penser que l'émerveillement créé par cette caravane princière a Tout ce petit monde empreint de merveilleux, de naïveté et de poésie constitue l'étonnant tableau de la crèche provençale, l'une des rares qui ait admis autour d'un thème religieux la simplicité de ce monde rural dans la riche diversité qu'offre notre Provence avec ses oliviers, son thym, sa lavande, son ciel bleu et limpide alors que chantent les cigales et vibrent les tambourins ... Le
santon, aussi divers soit-il, ne serait qu'un bibelot, objet d'art s'il était
isolé, ou même en groupe sans décor... Et
c'est là que la crèche provençale se distingue de celles des autres pays, par
ce décor qui, bien qu'il conserve l'étable ou la grotte qui abrite le groupe
de la Nativité, recrée pour tous les autres santons leur environnement
d'origine ; le village et la campagne de Provence. Fonds
de collines ondulant comme le dos des brebis, bastides aux tuiles rouges flanquées
de cyprès, pigeonniers d'où s'échappent pigeons et colombes, oratoires
anachroniques mais témoignant de la vérité rurale. Village
de crête ou village de plaine grouillant de vie avec son marché et ses étalages,
ses amoureux faisant la causette autour de la fontaine, ses joueurs de boules
plus vrais que nature, les marchandes devant leur porte, les vieilles frileuses
tricotant au soleil, le boulanger enfournant son pain, le curé sur l'escalier
de son église... Voilà
le véritable monde des santons dans son cadre de vie. Le santon ne serait plus vrai s'il n'était pas planté dans
ce décor qui fait la joie de tous parce qu'il est criant de vraisemblance
jusqu'aux fumées sortant des cheminées et à tel point que personne ne trouve
étonnant de voir qu'un ange s'est assis au bord d'une toiture. La
crèche... la mangeoire au sens étymologique du terme s'est agrandie, épanouie,
elle a pris la dimension de nos villages, la dimension de la Provence. Notre
Musée n'a pas voulu se refermer uniquement sur la crèche provençale et s'est
ouvert à tous les pays qui ont traduit selon leur goût, leur situation géographique
et leur artisanat ce même tableau de la Nativité. Mais,
chose curieuse, nous ne retrouverons dans tous ces pays que le thème religieux
et ses personnages traditionnels... Aucun
ne mêlera son peuple à la scène divine... chaque groupe est marqué au coin
de la culture de chacun des pays d'origine : Italie, Espagne, Pérou, Bolivie, Côte
d'Ivoire, Mali, Mexique, Israël, etc.
Si
vous nous avez suivis jusque là, c'est que le sujet vous a accroché" et
que vous désirez peut-être en savoir plus sur le santon et la crèche. Aussi
nous ne résistons pas à vous citer quelques titres et le nom de leurs auteurs: Les
origines de la crèche et des santons (1956) P. Ripert Santoun (1972) A. François Le
monde des Santons (1976) M. Mauron Santons
et traditions de Noël (1979) A. Bouyala d'Arnaud Les santons de Provence (1980)
G. Galtier L'âme
des Santons (1982) L. Amphoux et J. Bonnardier L'univers merveilleux des Santons
(1987) J. Pagnol et j'en passe... Je
terminerai avec le souhait provençal de Noël aussi simple et naïf qu'un
santon... Alegre,
Alegre Dioù
nous alegre Dioù
nous fasse la graci de
veire l'an que ven Se
sians pas mai Sieguen
pas men Réjouissons-nous,
Réjouissons-nous Dieu
nous donne la joie Qu'il
nous fasse la grâce de
voir l'année prochaine Et,
si nous ne sommes pas plus nombreux Ne
le soyons pas moins! Texte
de Alfred Gautier, maire de Le Val
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